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Une bibliothèque comme une petite librairie
Une bibliothèque comme une petite librairie

La Presse

time12-08-2025

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Une bibliothèque comme une petite librairie

En ce 12 août, où le livre québécois est à l'honneur, Jules Faulkner Leroux, facteur et écrivain, nous donne sa définition bien à lui de ce que pourrait être une bibliothèque idéale Jules Faulkner Leroux Facteur et écrivain* Je semble avoir développé ce qui pourrait s'apparenter à une relation malsaine avec les livres. Une compulsion, voire une dépendance. Car pour l'instant, il ne s'agit pas de les lire, mais de les posséder. Probablement la pire raison pour aimer la littérature, me direz-vous. Bref, ma bibliothèque déborde et mes piles à lire s'érigent en petits stacks, ici et là dans ma maison. Derrière ce désir il y a, comme pour la plupart des histoires d'amour, une attirance physique : l'objet-livre me fascine. Je ne peux m'empêcher de le saisir, mes mains doivent le parcourir et faire défiler ses pages, je dois aussi le sentir. Mais lorsqu'on a plus de livres qu'on ne saurait en lire, force est de constater que, pour soi, « avoir » est la réelle motivation et que « lire » est un accessoire que l'on remettra à plus tard – mais à quand, au fait ? À cette angoisse littéraire (et financière aussi, il faut le dire), j'ai pu trouver, au fil du temps, différentes théories déculpabilisantes qui m'aident à justifier l'accroissement perpétuel de ma bibliothèque. La bibliothèque-cellier La première théorie que j'ai trouvée veut qu'une bibliothèque ne soit pas différente d'un cellier : on ne boit pas toutes les bouteilles de vin que l'on achète le même jour. Comme pour certaines bonnes bouteilles, on se garde des livres et on les ressortira plus tard, lorsqu'on aura envie de rencontrer un nouvel ami ou d'en retrouver un. J'ajoute à cette théorie qu'on peut relire un livre autant de fois qu'on en ressent l'envie. Alors, bien souvent, le livre nous en donne encore davantage ; c'est qu'entre-temps nous avons mûri, telle une bonne bouteille, et ce livre que l'on pense déjà connaître s'ouvre soudainement sur de nouvelles notes. Enfin, la bouteille de vin doit se racheter chaque fois qu'elle se vide. Grâce à la relecture, la collection de livres est donc plus économique. Oui, l'ivresse a bien meilleur coût. La bibliothèque-pharmacie Une autre théorie, attribuée à Umberto Eco, pousse le raisonnement plus loin : notre bibliothèque ne serait pas un cellier, mais une pharmacie. Et comme il nous est impossible de savoir de quel mal nous souffrirons, il est plus sage de posséder de façon préventive tous les remèdes. Ainsi, le moment venu, il suffira de se diriger vers notre bibliothèque-pharmacie et de sélectionner le livre qui soignera notre état d'esprit. Les mots savent soigner les maux, ça, n'importe quel pharmacien ou psychologue vous le confirmera. De mon côté, je dois concéder que mon rapport aux livres n'est ni épicurien ni pharmaceutique. Il s'agit plutôt, comme mentionné précédemment, d'un rapport tout à fait malsain : il me faut les posséder. Lorsque je les vois, jolis, fraîchement imprimés, et que leur quatrième de couverture est écrite pour moi, il me faut les avoir, tout simplement et sans autres considérations. Mais il y a autre chose. C'est que j'aspire moi aussi à devenir écrivain et, par une superstition tout à fait ésotérique, j'ai secrètement espoir qu'en me procurant ce nouveau livre et en l'insérant tout bonnement dans ma bibliothèque, ses qualités littéraires et le génie de l'auteur s'infuseront aussitôt en moi, par un phénomène magique de percolation – je sais le ridicule de la chose, inutile de me le rappeler. En plus des nouveaux livres que j'achète dans les librairies, en plus des très nombreux livres que j'achète dans les librairies de livres usagés, j'emprunte aussi des livres à la bibliothèque. C'est que la bibliothèque est parfois mon bureau d'écriture. Lorsque j'y vais, avant d'y poser mon postérieur, je m'arrête souvent devant le présentoir, à l'entrée. Là, on ne retrouve pas les livres de l'heure, ceux dont on nous a déjà vendu les mérites. On retrouve plutôt les recommandations des bibliothécaires. Un choix aussi riche qu'éclectique. Des livres, à mon avis, potentiellement plus intéressants que les buzz littéraires de l'heure, car avant ce moment, je ne savais pas encore que j'en avais besoin. Ce riche terreau littéraire, dénué de tout intérêt mercantile et qui ne repose sur rien d'autre que l'humeur d'un ou une bibliothécaire, me permet de croire, un instant, en la découverte d'un trésor qui ne demande qu'à être cueilli. Ma théorie : la bibliothèque-librairie Pour justifier mes (trop) nombreux achats, j'ai fini par élaborer ma propre théorie : on doit faire de sa bibliothèque non pas un cellier ni une pharmacie, mais une petite bibliothèque municipale, ou, encore l'étalage d'une librairie qui mettrait de l'avant non pas les nouveautés du moment, encore moins le palmarès des ventes, mais les coups de cœur des libraires. En somme, on doit posséder suffisamment de livres non lus pour que, bien longtemps après l'excitation suivant la parution du livre que tout le monde s'arrache un certain 12 août, on puisse le découvrir, seul, chez soi, comme pour la première fois. La rentrée littéraire d'automne, la rentrée littéraire d'hiver, les parutions des livres « de plage » et le 12 août sont tout autant de wagons remplis à ras bord. Oui, il est opportun d'acheter son billet à l'avance, mais parfois, il est bon de laisser passer quelques trains avant d'entreprendre ce genre de voyage. Alors, on bénéficie d'un siège de choix, sur le bord de la fenêtre, et le paysage s'offre entièrement à nous : la vue est dégagée et il n'y a plus toute cette rumeur qui nous somme d'en profiter ; on est alors disposé à découvrir un trésor qui était juste là, devant nous, dans notre bibliothèque-librairie. Quelle que soit votre approche pour votre bibliothèque personnelle, je vous souhaite de trouver, ce 12 août, le trésor que vous recherchez. Mais gardez en tête qu'au-delà des écus étincelants, les perles, elles, mettent du temps, beaucoup de temps, à arriver à terme. * L'auteur publiera le court roman La rue dévore le 24 septembre aux éditions L'Interligne. Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue

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